Liberal Lebanese Blog

Saturday, January 13, 2007

Interview - Mars 2005

Ceci est le texte d’une interview que j’ai accordée au magazine officiel de l’Association Libérale des étudiants français, publiée dans Le Libéral Déchaîné début mars 2005, sur les événements qui se déroulaient au Liban, dans ce qui sera appelé « Printemps de Beyrouth ». Voir l’évolution de la situation en moins de deux ans est au moins intéressant, au mieux utile.

Depuis la fin de la guerre civile en 1990, la Syrie exerce une tutelle politique sur le Liban, qu’elle occupe militairement depuis 1976. Le régime corrompu mis en place par les Syriens a falsifié les élections et tenté de museler les libertés publiques. Il s’est transformé à partir de 1998, avec l’arrivée du Général Emile Lahoud à la présidence, en un régime policier despotique dirigé dans l’ombre par une junte de services de renseignement militaire instrumentalisée par la Syrie.

En septembre 2004, les députés devaient élire un nouveau président de la République. La Syrie impose alors la prorogation anticonstitutionnelle du mandat de Lahoud, au grand dam de la volonté populaire. Le Premier ministre, Rafic Hariri, adversaire de longue date de Lahoud, fut contraint par la Syrie d’accepter ce diktat, mais n’a pas tardé, un mois plus tard à démissionner et à rejoindre l’opposition. Parallèlement, la communauté internationale a réagi en adoptant la résolution 1559 au Conseil de sécurité de l’ONU, sous l’instigation de la France et des Etats-Unis. Celle-ci réclame le retrait de toutes les forces étrangères du Liban, des élections libres et conformes à la constitution et l’affirmation de la souveraineté des Libanais sur tout leur territoire, par le désarmement de toutes les milices, en l’occurrence le Hezbollah et certains camps de réfugiés palestiniens.

Q Peux-tu nous rappeler en quelques mots quelles sont les revendications de l’opposition libanaise, et quelles sont ses composantes religieuses, sociologiques et politiques ?
R Depuis 1992, l’opposition anti-syrienne a été à grande dominante chrétienne. L’arrivée de Lahoud au pouvoir en 1998 et la prorogation de son mandat en 2004 ont commencé à rapprocher les druzes de l’opposition, rapprochement définitivement confirmé en octobre 2004, suite à la tentative d’assassinat de Marwan Hamadé, député druze très respecté par les Libanais. Les sunnites ont également opéré un ralliement, complètement scellé suite à l’assassinat le 14 février 2005 de leur leader Rafic Hariri. Aujourd’hui, cette opposition plurielle et unie (chrétiens, sunnites, druzes, libéraux, conservateurs, socialistes, intellectuels de gauche…) réclame une enquête internationale sur l’assassinat de Hariri, le retrait immédiat des troupes et des services de renseignement syriens du Liban, la tenue d’élections législatives libres et démocratiques en mai 2005 ; en gros, l’indépendance du Liban et la démocratie.

Q Peut-on rapprocher la situation du Liban de celle de l’Ukraine, et parler d’une avancée de la liberté au Moyen-Orient comme en Europe orientale ?
R Contrairement à ce que pourrait suggérer la récente couverture médiatique du soulèvement des Libanais, la volonté d’indépendance et de liberté a commencé dès le début des années 90, bien avant les élans démocratiques récents en Europe de l’Est et les thèses néoconservatrices au pouvoir à Washington. Toutefois, les révolutions de Géorgie et d’Ukraine ont remotivé bon nombre de Libanais lassés par des années de désintérêt international quant à la mainmise syrienne sur leur pays. Contrairement à son voisinage, le Liban a connu la démocratie et malgré tous les risques, la presse libanaise a toujours brillé par sa liberté de ton. C’est donc un retour aux sources qu’opèrent les Libanais et non la découverte de la démocratie. C’est là un exemple de soulèvement venu de l’intérieur et soutenu par la pression internationale et non un changement provoqué et instrumentalisé par l’extérieur. Il faut donc rester prudent quant à la comparaison avec d’autres pays du Moyen-Orient tout en souhaitant la diffusion du modèle libanais.

Q Quel rôle pour la communauté internationale au Liban ? Quel a été le bilan de ses interventions depuis le début du conflit libanais ?
R Les interventions de la communauté internationale au Liban dès le début de la guerre en 1975 ont subi les aléas de la confrontation est-ouest. En 1990, après la chute de son allié soviétique, la Syrie rejoint les Etats-Unis dans la coalition contre l’Irak. En contrepartie, elle se voit accordée une tutelle politique sur le Liban. Durant près de 12 ans, les institutions internationales, comme la politique américaine, se sont désintéressées de la situation au Liban. Seule la France a continuellement marqué un relatif soutien. Ce dernier a pourtant été plus économique et culturel que politique. En témoignent le somment de la Francophonie à Beyrouth en 2002 et la conférence de soutien financier à Paris la même année. Le basculement vers la politique s’est opéré quand la Syrie et Lahoud ont mis tous les bâtons dans les roues des réformes institutionnelles que devait mener le gouvernement de Hariri. Le changement de ton US a débuté après le 11 Septembre. C’est la prorogation du mandat de Lahoud qui a fait convergé les positions internationales et la volonté de liberté des Libanais, à travers la résolution 1559. Les Libanais savent que les récentes évolutions sont bien tributaires de la pression internationale mais sont aussi conscients que la crédibilité de leur mouvement tient à leur cohésion interne. Ils espèrent ne plus être déçus par cet extérieur qui les a si longtemps oubliés.

0 Comments:

Post a Comment

<< Home